dimanche 27 mars 2011

Que la Force Libanaise soit avec toi


"Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ?" se demandait le jeune étudiant en échange devant cet étrange drapeau par ce matin de février. Et non, c'était une Force Libanaise. L'une d'entre elles. Encore. Elles étaient là, elles veillaient, elle observaient, l'affût, le badaud désoeuvré et le commerçant de passage. Elles guettaient les rues, prêtes.
Se drapant de courage et de fierté virile, l'étudiant en échange se leva, monta sur une borne proche et, avec la verve d'un tribun de la plèbe aux temps des antiques Latins, harangua la foule :

" Mes bien chers frères, mes bien chères soeurs, le temps est venu. Ici et maintenant, sur ce blog et solennellement, je vais enfin vous apporter la réponse à la question que vous vous posez depuis tant de temps. Il faut que le peuple sache, il faut que la Lumière lui soit apportée, pour que plus jamais personne n'ait à se demander : "Mais c'est quoi, au juste, les Forces Libanaises ?"

Notre histoire commence, et vous serez d'accord avec moi, ce n'est pas très original, avec un jeune politicien plein d'ambitions. Nous sommes en 1976, et le Liban ne va pas très fort. Depuis un an, le pays connaît l'explosion que vous savez, tiraillé entre la question palestinienne cristallisée par les accords du Caire de 1969, les tensions inter-communautaires et l'opposition politique entre le Front Libanais et le Mouvement National.
Notre jeune politicien, Bachir Gemayel, est issu d'une "grande famille" maronite et politique. Son père, Pierre, est notamment le fondateur d'un parti politique puissant parmi le Front Libanais, les Phalanges ou Kataëb. Ces Phalanges tiennent le haut du pavé dans la lutte entre le Front Libanais et le Mouvement National, qui se centre peu à peu sur la question palestinienne, les deux groupes étant également appelés "palestino-progressistes" ou "palestino-musulmans" et "bloc chrétien".
Cependant, alors que le Mouvement National dispose d'une relative centralisation de ses forces armées dans les fedayins et les miliciens "musulmans", le Front Libanais comporte quant à lui de nombreux corps de miliciens. C'est dans le but de mettre ces milices en ordre que les Forces Libanaises sont créées en 1976, en tant que bras armé des Phalanges et du Front Libanais, sous l'égide de Bachir Gemayel et d'autres leaders chrétiens, membres de divers partis et groupements du Front Libanais, par exemple le Parti National Libéral, les Gardiens du Cèdre et, dans un premier temps, s'allie avec la brigade Marada, représentante d'une autre grande famille maronite (les Frangié), qui se désolidarisera des FL quand celles-ci se rapprocheront du "voisin du Sud" israélien.

Ainsi, pendant la guerre, les FL deviennent le principal belligérant "chrétien" au Liban. Incident majeur, l'assassinat de Bachir Gemayel après son élection à la présidence de la République en 1982, qui galvanise les troupes des FL et, d'après le cinéaste Ari Folman, déclenche les massacres de Sabra et Chatila. "Ce gars là, fait dire le cinéaste à l'un de ses personnages à propos de Bachir Gemayel, il était pour eux ce que David Bowie était pour moi. La star, l'idole, le pacha. (...) Leur idole allait monter sur le trône et nous [les israéliens] on allait l'y installer. Et le lendemain, le voilà qui se fait tuer. C'était clair qu'ils allaient venger sa mort dans le sang. (...) Une affaire d'honneur familial, ça remuait profond" (Valse avec Bachir, 59.45 - 1.00.20, 2009).

C'est pour cela, mes bien chers frères et mes bien chères soeurs, que vous pouvez encore croiser le profil de Bachir quand vous vous promenez dans certains quartiers, et que nous autres, étudiants à l'USJ, pouvons la voir dans un des halls de notre fac.

Avec la montée de la mainmise syrienne dans les dernières années de guerre et pendant les débuts de la Deuxième République mise en place à partir de 1990, les FL sont peu à peu mises à l'écart. Elles déposent les armes conformément aux accord de Taëf de 1990, et perdent encore de l'influence, jusqu'à leur interdiction en 1994 par un gouvernement fortement inspiré par la Syrie. L'un des leaders de ce mouvement et son actuel président, Samir Geagea, fut quant à lui emprisonné du fait de son opposition à la domination syrienne.
Puis, comme vous l'avez lu précédemment dans ce blog, mes bien bonnes ouailles, en 2005, c'est la Révolution du Cèdre et Samir Geagea est libéré. Les FL se reforment, cette fois-ci en parti politique indépendant et plus en tant que milice (même si d'aucuns prétendent qu'il reste encore des fusils cachés dans les caves, en ce qui me concerne, je ne suis pas allé vérifier). Elles rejoignent la coalition politique du 14 mars, alors définie par son opposition à la présence syrienne, et font partie de ses principaux membres avec le Courant du Futur, les Kataëb, le PNL et le PSP.

Aujourd'hui, les FL font toujours partie du 14 mars, et militent pour le maintien du TSL. Elles restent un des principaux "partis chrétiens" et leur leader, Samir Geagea, l'une des deux principales figures maronites du Liban. "

L'étudiant redescendit de sa borne, constatant qu'encore une fois, personne n'en avait rien eu à faire de ce qu'il avait raconté. Il se rasséréna en se disant qu'Internet était vaste, surtout en cette heure de pointe. Il se remit en route, pensant à sa prochaine FAQ. Serait-elle grande ? Mais ceci est une autre histoire....

PS : Je n'ai pas parlé du programme des FL dans cet article pour deux raisons : d'abord celui-ci est difficilement accessible, et ensuite il a considérablement varié. Si je trouve des tendances, je les ajouterai.

En photo : Le drapeau des FL et "Bachir Gemayel est partout", dans Valse avec Bachir

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire