jeudi 30 décembre 2010

La Grande Bataille

Drapeau-fran%C3%A7ais-insult%C3%A9-002.jpg Parfois, il arrive dans la vie d'un homme de se prendre la tête sur des histoires qui n'en valent pas la peine. On peut, presque sans caricaturer, faire cette analyse sur l'intégralité des publications du GAJA, par exemple. Le mouvement s'est de nouveau mis en branle dans le petit quartier chrétien de Beyrouth où j'ai le bonheur de vivre, plus précisément dans l'immeuble dans lequel je traîne mes frusques pendant la majeure partie du week end.

Le débat s'est porté sur une malencontreuse anecdote dont je fus l'un des tristes héros. A l'occasion d'une soirée plus ou moins almazifiée (al maza étant un terme générique utilisable pour le mot "bière"), vint à certains de nos camarades l'idée de suspendre à un mât de fortune un drapeau français qui avait fait le voyage avec lui depuis son obscure citadelle de province. Ni une ni deux, le drapeau fut récupéré au fond de la valise dans laquelle il gisait, fixé à un balai renforcé de fil de fer, et place sur le toit. Puis la Marseillaise fut chantée et chacun repartit bienheureux, s'endormant du sommeil lourd de celui qui a accompli son devoir patriotique (et a bu plus que son litron de bière).

Les combats commencèrent dès le lendemain, quand des cohabitants (français également) de l'immeuble en question virent l'étendard battant fièrement au vent. De nombreux cris furent poussés contre le colonialisme plus ou moins néo d'un tel acte et le mépris de ses acteurs envers le peuple libanais. Le scandale n'a depuis lors eu de cesse de gonfler pour devenir un sujet de conversation presque aussi récurrent que la météo. Dans une discussion au point mort, sortir une petite référence à "l'affaire du drapeau" assure à l'expatrié taquin une réussite totale.

On aurait pu croire que l'absurde et l'humour de la situation n'auraient échappé à personne : ayant été présent, je ne pense pas que la montée des couleurs nocturne avait un autre objectif que de nous faire rire grassement. En cela, la mission fut parfaitement remplie. C'est à partir du moment où la boutade devint un sujet de débat entre les pourfendeurs du néocolonialisme et les patriotes du vendredi soir et du samedi matin qu'il se transforma étrangement en un débat d'une lourdeur et d'une inutilité patente.

Date fut prise, et le drapeau blasphématoire fut nuittament remplacé, à l'occasion d'une intelligente contre-attaque, par un drapeau libanais. On aurait pu s'attendre à ce que le sujet soit définitivement clos. On aurait ensuite ri à ces batailles symboliques et finalement bien drôles, en se remplissant un bon godet de mauvais vin, avant d'entonner "La digue du cul". Tout le monde aurait été heureux.

Mais je viens d'apprendre que le remplacement de notre symbole national a choqué les défenseurs des couleurs phranssaises, et qu'il s'agit maintenant d'organiser une soirée de remplacement du drapeau libanais par un étendard gaulois fier et enfin victorieux.

A ce stade de l'histoire, vous devez vous dire comme moi qu'il est définitivement des situations, dans la vie d'un homme, où celui-ci se prend le chou pour des âneries. Vous avez certainement raison. D'abord, la mise en place du drapeau était drôle. Un jour. En ce qui me concerne, je n'ai jamais affiché mes couleurs au grand jour, et je ne vois pas pourquoi je m'y mettrais cette année. Ce qui n'a rien d'une "honte d'être français". Toutefois, je trouve ça marrant de se piquer d'un petit élan de patriotisme aviné pour marquer le coup. Ce qui n'a rien de néocolonialiste.

Je préfère donc me tenir écarté de cette grande bataille qui est à la fois inutile et désespérément sérieuse. Je suis cependant tout à fait disposé à organiser les paris sur quelle partie emportera la bataille rangée qui en résultera. Et à fournir les mousquets.

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PS : Je cherche de mon côté un drapeau pirate, qui remplacera de façon définitive et arbitraire tous les autres symboles. Et je vous garantis que ça va chier.

Ci-dessus : Le drapeau libanais sous le Mandat français. Ou comment réconcilier tout ce petit monde.

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