jeudi 30 décembre 2010

They're eat people !

Il est intrigant de se promener dans Beyrouth. La ville est - paraît-il, à l'image du pays, divisée en secteurs marqués par leur appartenance confessionnelle. Si vous vous promenez Furn el Chebbak ou à Achrafieh, vous croiserez facilement des drapeaux des Forces Libanaises, ou la tête de Bachir, tandis que si vous allez du côté de Hamra, ce seront d'autres drapeaux, symboles des partis musulmans. Se promener dans les quartiers chiites vous mettra face à face avec des ayatollahs de tout poil, etc.

Cette appartenance serait charmante, si elle n'était également un enfermement. Il est des habitants de Achrafieh qui ne vont jamais à Beyrouth-ouest, et inversement. Motif ? "They're eat people !", si on en croit les chauffeurs de taxis. Les quartiers les plus touchés par ce descriptif restent les quartiers chiites où le Hezbollah reste extrêmement poulaire. Il paraît (et c'est de source sûre, puisque je le tiens de mon colcataire qui l'a lui-même entendu d'un chauffeur de taxi qui tenait de quelqu'un de confiance qui l'avait entendu dans un milieu dont on ne peut pas douter) que, dans ces quartiers, l'enlèvement d'étrangers à fins de consommation tient quasiment du sport national. Bon, quand vous tapez "enlèement français liban" dans un moteur de recherches, vous ne tombez que sur des affaires datant de 1985, mais la question n'est pas là : Theyr're eat people, et puis c'est tout.

En fait, ce comportement paranoïaque est malheureusement, si j'en crois les libanais que j'ai croisé, révélateur d'un problème plus profond au Liban : on ne se connaît pas. Il y a l'autre", ou plutôt "les autres", vu qu'ils sont dix-sept, mais on ne connaît pas ces "autres" avec lesquels on doit cohabiter. Et quand on les rencontre, c'est le choc : "Quele surprise de découvrir que "les autres" boivent comme nous, que "les autres" dansent comme nous, que "les autres" s'amusent comme nous..."*.

Pesant en ville, ce découpage semble peser sur le pays entier : à l'université chrétienne, on nous demande bien de ne pas aller dans les zones musulmanes (sans nous le dire), même s'il n'y a pas de danger objectif à aller dans ces zones. Certes, dans ce milieu, on ne raconte pas que les "autres" eat people, mais on parle également d'enlèvements, d'interrogatoires, de meurtres... quelle est la part de mythe dans ce récit, et quelle est la part de vérité ?

En attendant de pouvoir répondre à cette question, j'ai acheté un drapeau libanais, et je me demande si je ne vais pas le découper en dix-huit, pour rendre hommage aux coutumes locales. J'envisage même d'écrire sur chaque portion de drapeau "N'allez pas vers les autres : they're eat people !".

*Cf Hala Moughanie in "Danser à tombeau ouvert", Beyrouth XXIe siècle, La pensée de Midi, 2007

Ci-dessus : Beyrouth-ouest selon un habitant de Beyrouth-est. Voilà voilà.

PS : Je ne cherche pas à choquer. Par chance, les situations décrites sont exagérées et caricaturales.

Erratum : Malheureusement, ma mauvaise compréhension de la langue de monsieur S m'a fait faire une erreur qui décrédibilise cet article : mon colocataire vient de me corriger, et on ne lui avait pas dit They're eating people" mais bien "They're hitting people". Comme mon article déviait sur ce thème, je me vois dans l'obligation de vous présenter mes excuses.

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