jeudi 30 décembre 2010

Tu as aimé le Liban ?

escalier-de-penrose-478.jpg

J'avais écrit en début de blog une note pour me moquer des réactions de mes proches à l'annonce de mon départ prochain. Mais ce à quoi je ne m'attendais pas, c'était que ces réactions me suivraient une fois au Liban. Je m'attendais, jeune niais fraichement sorti de son cocon, à tomber sur un peuple fier et grand, heureux d'accueillir en son sein pour quelques mois un étranger et de lui montrer les plus beaux aspects de son pays rude et beau.

Mes rêves se sont brisés face à cette simple et horrible question : "Tu as aimé le Liban ?", systématiquement suivie de : "Mais, pourquoi tu es venu au Liban ?".

Partir à l'étranger est un évènement assez central dans les études e l'IEP. La troisième année est peut être la plus attendue, puis la plus regrettée de toutes. C'est qu'elle donne aux étudiants la possibilité de s'exprimer de façon totalement personnelle : qui ira se dorer la pilule en Australie, qui ira surfer sur les vagues californiennes, qui ira jouir des immensités désertiques du nord du Mali, qui ira crapahuter dans les montagnes sud-américaines ou se perdre dans Rio, qui ira déguster du dograma dans les faubourgs d'Achgabat... Chacun a ainsi la possibilité de passer une année en accord avec ses envies profondes.

Evidemment, une fois sur place, il est normal de se voir demander d'expliquer pourquoi on a choisi ce pays et pas un autre (surtout quand on ne part ni aux Etats-Unis ni en Angleterre). On pourra alors se lancer dans une explication passionnée portant sur notre amour inconsidéré des plages sablonneuses, des déserts arides ou du mouton cuit dans l'huile.

Le problème est autrement plus compliqué quand on ne sait pas quoi répondre. Après deux mois de présence au Liban, je suis forcé de me rendre à l'évidence : je ne sais pas du tout pourquoi j'ai choisi ce pays et pas un autre. Je ne suis pas, comme le sont certains, passionné depuis ma plus tendre enfance par les récits des nombreuses aventures de Omar Bacha, je me passais très bien de hommos avant l'année dernière, et le récit des conquêtes et reconquêtes (assorties ou non de massacres) entre druzes et maronites pour le contrôle de la montagne libanaise au XIXe siècle a tendance à provoquer en mois de brusques poussées de sommeil.

Je pourrais dire que ma venue a été poussée par une sorte de fantasme orientaliste typiquement européen, imaginant une Arabie mystique et perdue entre la mer et le désert, où de grands bédouins apportent à dos de chameau des épices rares et de la soie, mais ce ne serait pas vrai (étant donné que je savais que Beyrouth ressemblait plus à la New York du monde arabe qu'à Médine au VIIe siècle). Quant à la dernière option, qui consisterait à avouer un hypothétique attrait pour les pays qui ont tendance à sombrer dans la guerre civile, quelque chose me dit qu'elle n'est pas vraiment légitime.

Alors quand la question fastidieuse se heurte à moi, je ne sais jamais que répondre. Oui, j'ai aimé le Liban et je l'aime encore. Mais pour ce qui est de savoir pourquoi j'y vins, en revanche, c'est une autre affaire, et la seule réponse que je trouve est un bête : "Pourquoi pas ?".

Encore, si les interrogateurs s'arrêtaient là, mais c'est que les bougres insistent ! "Tu n'étais pas content en France ? Pourquoi le Liban ? Ils t'ont refusé aux Etats-Unis ? Et pourquoi le Liban ? Mais je ne comprends pas, tu es obligé de partir de France, tes études là bas sont bien suffisantes, non ? ET POURQUOI LE LIBAN ?"... Et moi, "Si, mais je ne sais pas, mais non monsieur, oui monsieur, pardon monsieur c'est pas moi qui suis responsable je vous le promets".

Non, manifestement il est absurde de venir étudier au Liban. Ce qui ne me réconforte pas, je l'avoue, sur l'état de ma santé mentale.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire